mercredi 20 avril 2011

MEXIQUE - Appel à la paix et la justice, de Javier Sicilia

Pour la première fois sur ce blog, je retranscris un texte en entier. Parce qu'il me touche beaucoup et qu'il doit être élevé le plus haut possible, afin que les choses changent au Mexique.
Cet appel du poète et écrivain Javier Sicilia est paru début avril dans le journal mexicain Proceso.
(source intermédiaire : Courrier International)


Le brutal assassinat de mon fils Juan Francisco et ceux de Julio César Romero Jaime, de Luis Antonio Romero Jaime et de Gabriel Anejo Escalera [retrouvés morts, les mains attachés et avec des signes de torture le 28 mars] viennent s’ajouter à la longue liste de ces jeunes gens et jeunes filles sacrifiés aux quatre coins de notre pays. C'est non seulement la guerre déclenchée par le gouvernement Calderón [en décembre 2006] contre la criminalité organisée qui les a tués, mais aussi le cœur pourri d'une classe politique mal nommée et qui a perdu tout sens de l’honneur.

Nous en avons par-dessus la tête de vous, les politiques — et quand je dis politiques, je ne pense à aucun responsable en particulier, mais à une bonne partie d’entre vous, y compris ceux qui composent les partis. Car dans vos luttes pour le pouvoir, vous avez déchiré le tissu de la nation. Au milieu de cette guerre mal engagée, mal faite, mal dirigée, cette guerre qui a mis le pays en état d’urgence, vous avez été incapables de créer les consensus dont le pays a besoin pour atteindre à l’unité sans laquelle il n’y aura pas d’issue possible : vos mesquineries, vos bagarres et vos rivalités dérisoires sont passées avant tout. Nous en avons ras le bol parce que la corruption des institutions judiciaires donne lieu à des complicités avec les criminels et favorise l’impunité. Nous en avons plus qu’assez parce qu’avec cette corruption qui signe l’échec des autorités, chaque citoyen de notre pays est réduit à ce que le philosophe Giorgio Agamben appelle, utilisant un mot grec, zoe : la vie non protégée, la vie d’un animal, d’un être qu’on peut séquestrer, violenter, assassiner impunément.

Nous en avons jusque-là parce que, dans ce pays, il ne reste plus d’imagination que pour la violence, pour les armes, pour l’insulte, ce qui va de pair avec un profond mépris pour l’éducation, la culture, le travail honnête et ce qui fait les bonnes nations. Nous en avons jusque-là parce qu’à cause de cette absence d’imagination nos jeunes, nos enfants sont assassinés, puis faussement accusés d’être partie prenante de la criminalité. Nous en avons plus qu’assez parce qu’une autre frange de nos jeunes, faute d’une politique digne de ce nom, ne peut pas recevoir une véritable éducation, trouver un travail décent, et que, relégués vers la marge, ils deviennent des recrues de choix pour la criminalité organisée et la violence. Nous en avons jusque-là parce qu’à cause de tout cela les citoyens ont perdu confiance en ceux qui les gouvernent, en leur police et leur armée, parce qu’ils ont peur et qu’ils souffrent. Nous en avons jusque-là parce que tout ce qui importe à la classe politique, au-delà même d’un pouvoir impuissant, réduit à la gestion du malheur, c’est l’argent, aiguillon de leur concurrence, de leur putain de “compétitivité” et de la consommation à outrance, qui ne sont jamais que d’autres noms de la violence.

Nous en avons jusque là de vous, les criminels, de votre violence, de votre déshonneur, de votre cruauté, de votre déraison. Il fut un temps où vous aviez le sens de l’honneur. Vous n’étiez pas si cruels dans vos règlements de compte, vous ne vous en preniez ni aux citoyens ni à leurs familles. Mais, désormais, vous ne faites plus la différence entre les criminels et les citoyens. Votre violence ne peut plus être nommée, parce que même la douleur et la souffrance qu’elle entraîne n’ont plus de nom ni de sens. Vous avez perdu jusqu’à la dignité dans le meurtre. Vous êtes devenus des lâches, vous ne valez pas mieux que les Sonderkommandos nazis qui assassinaient en toute inhumanité des jeunes gens, des jeunes filles, des femmes, des hommes et des vieillards, c’est-à-dire des innocents. Nous en avons jusque-là parce que votre violence est devenue inhumaine, même pas animale — des animaux ne feraient jamais ce que vous faites —, mais imbécile, démoniaque. Nous en avons jusque-là parce que la soif de pouvoir et d’enrichissement vous amène à humilier nos enfants, à les broyer. Vous ne laissez dans votre sillage que la peur et l’épouvante.

Vous, “messieurs” les politiques, et vous, “messieurs” les criminels — j’emploie des guillemets parce que cette appellation ne s’applique qu’à des gens honorables —, avec vos omissions, vos querelles, vos actes, vous avilissez la nation. La mort de mon fils Juan Francisco a suscité un élan de solidarité et un cri d’indignation de la part des citoyens et des médias, ce dont ma famille et moi-même sommes profondément reconnaissants. Une telle indignation fait de nouveau retentir à nos oreilles cette formule si juste que Martí adressait aux gouvernants : “Si vous ne pouvez pas, démissionnez”. Après tous les milliers de cadavres, anonymes pour beaucoup d’entre eux, que nous laissons derrière nous, tant d’innocents assassinés et avilis, il faut maintenant de grandes mobilisations citoyennes qui obligent les politiques à travailler ensemble sur un ordre du jour qui rassemble la nation et crée un véritable état de gouvernabilité. Si vous, “messieurs” les politiques, ne gouvernez pas bien et ne comprenez pas que nous vivons dans un état d’urgence national qui vous oblige à l’unité, vous finirez par régner sur un tas d’ossements et une société d’êtres apeurés, détruits dans leur âme.

Il n’y a pas de vie sans persuasion et sans paix, écrivait Albert Camus, et le Mexique aujourd’hui ne connaît que l’intimidation, la souffrance, la méfiance, la peur qu’un jour un fils ou une fille d’une autre famille ne soit avili et assassiné. Nous ne pouvons plus accepter, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, que la mort ne soit qu’une affaire de statistiques à laquelle nous devrions tous nous habituer. Il est grand temps de rendre sa dignité à notre pays.

dimanche 17 avril 2011

Des documentaires pour savoir et comprendre - 02

Voici une nouvelle sélection de documentaires plus ou moins récents, qui je crois valent le détour. Certains d'entre eux sont même visibles librement en ligne (Green, Françafrique et Patent Absurdity par exemple).

-Viva Mexico ! (2010) - Portait du mouvement zapatiste en marche à travers le Mexique.
-Presunto Culpable (2008) - Critique de la justice mexicaine à travers le cas d'un prisonnier innocent.
-Carlitos Medellin (2004) - La foi en la Vie malgré la violence dans une grande ville colombienne.
-Quien Dijo Miedo ? (2010) - Résistance pacifique au Honduras après le coup d'état de 2009.
-South of The Border (2009) - Oliver Stone, cinéaste nord-américain, va à la rencontre des chefs d'état de gauche en Amérique Latine.
-Bassidji (2009) - Entretien en Iran avec la milice religieuse Bassidji, soutien de la dictature d'Ahmadinejad, et obstacle premier à une révolution démocratique iranienne.
-Françafrique (2010) - Relations politiques et business de la France en Afrique.
-House of Numbers (2009) - Qu'est-ce que le Sida ?
-Vaccine Nation (2008) - Les effets secondaires de la vaccination en masse des enfants aux USA.
-Patent Absurdity (2010) - Comment les brevets sur les logiciels cassent l'innovation et inhibent le potentiel de l'outil informatique.
-Gasland (2010) - Etat des lieux aux Etats-Unis où fleurissent les derricks d'extraction du gaz de schiste, provoquant une catastrophe écologique de très grande échelle.
-Into Eternity (2010) - Le chantier délirant d'un stockage souterrain pour déchets nucléaires radioactifs pour 100 000 ans.
-Green (2010) - La déforestation en Indonésie et la survie des Orang-outans.
-La Magie des Haies (2009) - Plaidoyer pour les haies, petites merveilles écologiques pleines d'avenir.
-D'autres Mondes (2004) - Immersion totale dans le chamanisme des Shipibos-Conibos en Amazonie péruvienne.
-Darshan (2003) - Sur la route avec Amma, mère spirituelle indienne, connue mondialement pour avoir pris dans ses bras 29 millions de personnes.

jeudi 14 avril 2011

La fin du nucléaire, le début de l'avenir

Dans Le Monde Diplomatique de ce mois d'avril, l'article "Atome contre biodiversité à Jaitapur" (lien direct) expose la situation tendue dans cette région ouest de l'Inde.
La région de Jaitapur a été choisie pour implanter la plus grande centrale nucléaire du monde. Elle comprendra 6 réacteurs EPR de 1650 mégawatts chacun. Le chantier doit démarrer en 2012 et se terminer en 2017.
Il s'agit d'un énorme contrat entre la compagnie indienne du nucléaire (NPCIL) et le géant français Areva, mais surtout, 70% du financement en dette, avec des prêts notamment du Crédit Agricole, de la BNP et de la Société Générale. Il est même envisagé une garantie d'état française. Bref, beaucoup beaucoup de pognon, pour une technologie pas encore au point : l'EPR en chantier en Europe a explosé son budget et ses contraintes techniques font peur à voir (Greenpeace vous explique tout).
Et sur le terrain : 40 000 villageois que l'on va faire déplacer contre leur gré, une agriculture et une tradition de pêche qui doit s'écraser pour faire place propre, l'endommagement d'une biodiversité exceptionnelle et fragile, et enfin, un risque sismique avéré (jusqu'à 7 sur l'échelle de Richter), au bord de l'océan indien.
A lire aussi pour bien cerner la situation, cet exposé rapide et clair sur le site des Amis de la Terre.

Le fond à retenir dans tout cela est très bien résumé dans l'article du Monde Diplomatique :
"Jaitapur est essentiel à la viabilité d'Areva, explique le physicien Vivek Monteiro, qui a suivi la trajectoire de la société française. Areva est en crise et attend une injection massive de capitaux. Si Jaitapur s'effondre, cette crise va se renforcer. La compagnie française mène donc un lobbying intense auprès du gouvernement indien pour qu'il poursuive ce projet, contre la volonté des habitants."

Alors voilà, nous avons un exemple parfait illustrant l'urgence d'un changement de politique énergétique. Le nucléaire est un boulet financier, doublé d'une épée de Damoclès environnementale et sanitaire à long terme. On reproche aux énergies renouvelables d'être dépendantes des subventions pour être rentables, mais on oublie de dire les milliards qui ont été écoulés depuis des décennies pour que le nucléaire fonctionne aujourd'hui !
Sans parler des dépenses induites par les crises. Exemple : Tchernobyl et ses milliers de liquidateurs irradiés, ses sarcophages démesurés, les soins de santé des populations touchées, les territoires inhabitables...)
Dans cet article du journal Le Monde à propos de la catastrophe de la centrale de Fukushima-Daiishi au Japon, on peut lire qu'une première estimation des dédommagements que la compagnie Tepco aura à payer, s'élève à 130 milliards de dollars. (et la crise n'est pas terminée)

Qui va payer ça ?...

Le nucléaire a fait son temps, merci bien. Accompagnons-le dans sa mort (fin progressive des programmes, démantèlement, etc), remercions-le pour les services rendus (électricité produite), et passons activement à l'ère de l'énergie raisonnable.
Au lieu d'avoir peur pour son avenir, Areva n'a qu'à prendre une profonde inspiration, regarder la planète droit dans les yeux, et se lancer dès aujourd'hui dans sa reconversion totale vers le renouvelable. Le réseau Sortir du nucléaire est un bon guide pour ce changement.

On va y arriver !

mercredi 13 avril 2011

Reposons le monde : Méditons...

Avez-vous déjà essayé de méditer ?

C'est à la portée de tout le monde.
C'est une véritable hygiène mentale, un puissant moyen d'apaiser les tensions du corps, et à mon avis, un excellent moyen pour changer le monde en utilisant nos méconnues capacités intérieures.
Pas besoin d'avoir une religion ni d'avoir quelque croyances ou connaissances particulières. Tout cela n'est que bagage superficiel, comparé à la pureté de l'expérience intérieure que permet cette très simple pratique spirituelle ("de l'esprit").

Voici une base de méditation :
-Asseyez-vous (ou allongez-vous). Le confort est important. L'idée est de se détendre.
-Posez vos mains paumes vers le haut, complétement relaxées.
-Fermez les yeux
-Respirez doucement et profondément
-Prenez le temps de sentir chaque partie de votre corps, en commençant par les pieds, étape par étape, et en terminant sur le visage. Prenez conscience des ressentis ou tensions possibles.
-Si des pensées circulent dans votre tête, ce n'est pas grave. Laissez-les passer. La méditation est l'occasion de tout relâcher, de laisser tomber le contrôle mental et le jugement. Contentez-vous d'observer ce qui se passe.
-Souriez intérieurement et extérieurement, et profitez à chaque respiration de cet instant de détente que vous vous offrez...
-Allez aussi loin que vous le voulez, et n'hésitez pas à en faire une habitude quotidienne. On sent vite la différence.

Pour ceux qui veulent du concret, voici un article sur les résultats d'une étude scientifique constatant les effets de la méditation sur le cerveau. Passionnant.



(photo : extrait du film Baraka)